Les vautours au Niger : quelles menaces et comment les combattre ?
Découvrez ci-dessous le 2e article de Sandscript #31
Le Niger est un pays enclavé d’Afrique de l’Ouest, situé dans la zone de transition entre la bande sahélo-soudanienne et le désert du Sahara. En raison de la multiplicité de ses écosystèmes, il abrite une grande variété de faune et de flore. Sur les 11 espèces de vautours africains, huit peuvent être observées au Niger et six y sont résidentes : le vautour à tête blanche (Trigonoceps occipitalis), le vautour charognard (Necrosyrtes monachus), le vautour africain (Gyps africanus), le vautour de Rüppell (Gyps rueppelli), le vautour oricou (Torgos tracheliotos) et le vautour percnoptère (Neophron percnopterus).
Depuis 2008, Sahara Conservation a mis en place un suivi régulier des nids de vautour oricou, de vautour de Rüppell, de vautour à tête blanche et de vautour percnoptère dans le massif de Termit, la dillia de Kandil Bouzou, la Réserve de Biosphère de Gadabedji (RBG) et le massif de Koutous.
Après plusieurs années de suivi, nous avons pu recueillir des informations conséquentes sur la nidification des vautours au Niger et leurs principales zones de distribution. Les réserves naturelles du biome sahélo-saharien constituent un lieu idéal pour la reproduction des vautours, mais malheureusement, à l’image du reste de l’Afrique, nous observons une diminution des populations de vautours de la région. Bien que ces espèces soient protégées, le braconnage constitue la plus grande menace pour les vautours au Niger, notamment au moment de la période de reproduction, les nids étant ciblés. Selon une enquête menée par l’équipe de Sahara Conservation auprès de différents acteurs (vendeurs de produits animaux, guérisseurs, tradipraticiens, chefs traditionnels, etc.), il est apparu que les vautours sont utilisés dans la médecine traditionnelle ou pour les pratiques de maraboutisme et de magie noire. Ces utilisations, conduisant à la chasse illégale de ces oiseaux, exercent une forte pression sur les populations de vautours déjà relativement affaiblies. Plusieurs sources soulignent que le braconnage est principalement effectué par des personnes venant du Nigéria, en complicité avec certaines personnes de la région.
En raison de la complexité des menaces à traiter et de leur ancrage culturel dans la communauté, des activités complémentaires impliquant un large éventail d’acteurs ont été mises en place. L’objectif principal est d’agir sur la chaîne d’approvisionnement de vautours, en mettant en œuvre des actions directes pour réduire l’abattage illégal des populations reproductrices dans des zones ciblées.
Ainsi, Sahara Conservation a mis en place un soutien à l’unité de gestion de la RBG pour effectuer un travail de surveillance, appuyé par deux agents communautaires pendant la saison de reproduction (de février à juin). Au-delà du travail de surveillance régulier, les communautés locales environnantes jouent un rôle crucial, principalement dans des zones comme le massif de Koutous qui ne disposent d’aucune équipe dédiée à la protection de son intégrité. Un agent de sensibilisation dédié travaille depuis plusieurs mois avec les communautés locales pour les aider à comprendre le rôle et la valeur des vautours, ainsi que les menaces auxquelles ils sont confrontés. En engageant les membres des communautés locales, nous croyons fermement qu’ils pourront diffuser le message avec succès et les encourager à participer à la préservation des vautours qui les entourent.
Parallèlement, un travail de sensibilisation et de montée en compétences a été mené auprès des principales parties prenantes impliquées dans le trafic de vautours et de leur utilisation pour des pratiques liées à des croyances. En outre, un renforcement des capacités sur le trafic d’espèces menacées et ses conséquences, ainsi qu’une formation sur l’identification des vautours a été mise en place auprès des agents de l’environnement.
Par ailleurs, des activités d’information et de sensibilisation visant à développer les connaissances locales des guérisseurs traditionnels et des chasseurs afin de lutter contre le braconnage et le trafic de vautours ont été mises en place dans le cadre du projet Egyptian Vulture New LIFE. Plusieurs approches ont été utilisées, comme la visite des marchés dans les zones désignées pour rencontrer les personnes ciblées, l’organisation de groupes de discussion avec les acteurs principaux et la tenue de sessions d’études approfondies.
En ce qui concerne les tradipraticiens, un accent particulier a été mis sur les alternatives aux parties de vautours, comme les produits à base de plantes aux vertus similaires, qui leur permettraient de poursuivre leurs pratiques sans impacter les populations de vautours. L’implication de leaders et de personnes influentes de chaque groupe permet de garantir la diffusion du message.
En ciblant les chasseurs et les autorités compétentes, nous avons pour objectif de rompre la chaîne d’approvisionnement, tout en travaillant avec les communautés locales et les guérisseurs traditionnels pour réduire la demande de ces produits et promouvoir des alternatives à base de plantes. Enfin, une partie des activités est consacrée à la sensibilisation des jeunes générations. Des écoles ont été identifiées dans les zones clés, à proximité des sites de reproduction des vautours, afin de leur apporter un soutien matériel, tout en mettant leurs besoins en perspective avec les objectifs d’éducation environnementale du projet.
Afin d’optimiser et d’intensifier les actions déjà entreprises, la pose d’émetteurs sur quelques vautours permettrait de fournir des données inestimables sur l’écologie, la distribution et la reproduction des vautours, ainsi que sur les potentielles causes de mortalité au niveau de zones géographiques pour lesquelles nous disposons de moins de données.
Un travail conjoint avec les pays voisins, notamment le Tchad et le Nigeria, est également d’une grande importance pour lutter contre l’abattage illégal des vautours dans la région.
Abdoul Razack Moussa Zabeirou
Représentant pays Niger – Sahara Conservation