Le retour de l’autruche d’Afrique du nord dans la réserve de faune de Ouadi Rimé-Ouadi Achim au Tchad

Découvrez ci-dessous le 4e article de Sandscript #31

L’autruche présente au Tchad est connue en tant que sous-espèce : « autruche d’Afrique du Nord – Struthio camelus camelus », communément appelée autruche à cou rouge. 

Historiquement, l’espèce était présente aussi bien en zone saharienne que dans la zone soudano-sahélienne. En zone saharienne, l’autruche se trouvait jusque dans l’Eguei, à la frontière entre le Kanem et le Borkou, en passant par le Ouadi Aouach et dans l’Ennedi, jusqu’aux confins de la dépression du Mourdi (Depierre, 1968). Dans le Nord du Tchad, les effectifs de population d’autruches étaient estimés à plus de 1500 individus (Depierre, 1968). Les autruches récemment observées dans l’Ennedi (African Parks Network, 2018), sont les derniers individus existants dans la zone saharienne, et rassemblent probablement moins d’une dizaine d’animaux.

Le programme de réintroduction de l’autruche mis en place au Tchad par Sahara Conservation, en partenariat avec African Parks Network (APN) consiste à transloquer des autruchons depuis le Parc National de Zakouma et à les réintroduire dans la Réserve naturelle et culturelle de l’Ennedi (RNCE) et la réserve de faune de Ouadi Rimé-Ouadi Achim (RFOROA).

Un des objectifs de ces translocations est avant tout de récréer des populations viables, en procédant à une combinaison d’élevage en captivité dans les infrastructures mises en place à cet effet, et de relâchers d’autruches transloquées à l’état sauvage, une fois atteint un âge adéquat (autour de 16/18 mois). Les autruches transloquées passent donc environ 16 mois dans des enclos situés au sein des réserves concernées et sont ensuite relâchées pour se reproduire et créer ainsi une nouvelle population. Elles sont équipées d’émetteurs qui permettent aux équipes de suivre leurs déplacements pour une période définie, afin de faciliter leur surveillance et d’assurer leur protection.

En mars 2020, un premier groupe de 34 autruchons (âgés de 2 semaines à 2 mois) a été transloqué et réparti dans les deux réserves. Une année plus tard, en mars 2021, l’opération a été renouvelée pour un deuxième groupe de 29 autruchons (âgés d’une semaine à 2 mois).

Une des étapes clés de la réintroduction est la vaccination des autruchons contre les maladies courantes qui peuvent affecter leur santé et leur développement. Dès leur arrivée, les autruchons suivent un programme de vaccination contre le Clostridium (Covexion) et la maladie de Newcastle (Etanew). Les autruchons sont également traités par Zentel, car certains d’entre eux sont porteurs du tænia. C’est d’ailleurs malheureusement la raison du décès de deux autruchons dans la RNCE. Une bague numérotée leur a été implantée sur l’aile, nous permettant ainsi de faire correspondre les individus avec les échantillons de plumes prélevés pour analyse ADN. Cependant, ces bagues se sont révélées inadaptées lors de la croissance des autruches et nous avons dû leur retirer.

Durant les trois premiers mois, les autruchons sont très fragiles, nous les traitons donc avec beaucoup d’attention : nous essayons de leur apprendre à manger et à boire. Pour contribuer à la solidification de leurs os, nous avons cultivé une petite portion de luzerne dans l’enclos. Les autruchons picorent les feuilles, effectuant ainsi une gymnastique qui les aide à développer l’agilité de leurs pattes. Nous désinfectons leur enclos quotidiennement pour prévenir toute contamination possible entre les individus. A la tombée du jour, les grandes autruches sont séparées des plus petites afin d’éviter qu’elles ne se piétinent. Une barre de fer graduée et fixée à proximité de la mangeoire permet de mesurer régulièrement leur croissance. Une pesée mensuelle permet d’évaluer leur poids durant les trois premiers mois de captivité. Un suivi-conseil à distance est assuré avec assiduité par un panel de vétérinaires aguerris.

Afin d’approfondir nos connaissances sur leurs habitudes alimentaires, l’équipe des soigneurs de l’enclos assure une observation quotidienne. Nous avons ainsi remarqué que les autruchons appréciaient les feuilles et fruits de Balanites aegyptiaca, de Citrullus colocynthis, ainsi que les graines de Bracharia deflexa. En amont du processus de réintroduction, une équipe constituée de membres de Sahara Conservation et d’APN a suivi une formation pratique sur la composition du régime alimentaire des autruchons en captivité.
Le calcul des rations alimentaires pour les autruchons de 15 jours à 10 mois a été basé sur la disponibilité des différents ingrédients existants au Tchad.

Les efforts de conservation de l’autruche d’Afrique du Nord portent leurs fruits. Pour la première fois depuis 50 ans, cet oiseau majestueux s’est reproduit dans son milieu naturel. Les premiers autruchons viennent de voir le jour dans la réserve de faune de Ouadi Rimé-Ouadi Achim, et bien que ces petits soient encore fragiles, c’est un pas important dans la réintroduction de l’espèce. Nous allons continuer à suivre de près leur développement, en prenant soin de leur alimentation et de leur environnement. Lorsque les poussins seront assez grands, nous serons en mesure de relâcher la famille dans la nature, où ils pourront rejoindre les individus déjà relâchés en 2021 et 2022.

Firmin Dingamtebeye
Responsable logistique Base oryx – Sahara Conservation

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