Quand le feu recule, la vie avance
Je m’appelle Moustapha Matalama Mahamat, animateur terrain dans la région du Batha pour Sahara Conservation au Tchad. Depuis maintenant un an, je travaille auprès des communautés locales, sur les vastes terres arides de la Réserve de faune de Ouadi Rimé – Ouadi Achim. Chaque jour, je mesure à quel point nos efforts de conservation peuvent avoir un impact concret sur la vie des gens.
Un souvenir fort me revient toujours : ma rencontre avec Fatima Allazam. Cette femme courageuse, issue de la tribu Misserié Walad Tourki, est éleveuse de chameaux et de moutons. Elle vit à Khibebich, près du point d’eau de Michegué, dans la zone de Ouadi Djadid, région du Batha. En 2020, un feu de brousse a ravagé sa zone de pâturage, ses réserves de fourrage sont parties en fumée et elle a perdu douze chameaux. Fatima était dévastée.
Les feux de brousse représentent une menace sérieuse, non seulement pour les écosystèmes fragiles de la région, mais aussi pour la sécurité des populations nomades. Pour protéger la faune, la flore et les habitants des risques d’incendie, les équipes de Sahara Conservation travaillent chaque année à créer et à entretenir des pare-feux.
Lors d’un récent entretien, le visage de Fatima m’a semblé différent : il y avait une lumière, un soulagement. Elle m’a parlé des pare-feux que nous avions mis en place. Ces bandes de terre labourées, qui stoppent la progression du feu, ont tout changé pour elle. Les incendies ne sont plus aussi dévastateurs qu’avant. Ses animaux sont en sécurité. Son fourrage est préservé. Et surtout, elle se sent protégée.
Elle m’a confié un détail auquel je n’avais pas pensé : grâce aux pare-feux, elle évite désormais les piqûres de scorpions et de serpents venimeux, très fréquents dans la région. Le sol nettoyé permet en effet de mieux voir les dangers… et de les éviter. « Avant, je dormais avec la peur. Maintenant, je dors », m’a-t-elle dit.
« Avant, je dormais avec la peur. Maintenant, je dors.«
Le feu de brousse est un ennemi silencieux. Chez nous, il détruit tout : les pâturages, les bétails et les espoirs. Aujourd’hui, nous lui opposons une véritable stratégie de lutte. Ce que j’aime dans mon travail, c’est constater que nos actions ont un véritable impact. Nous ne sauvons pas seulement la faune ou les paysages : nous soutenons aussi des vies humaines, en redonnant espoir et dignité à ceux qui ont tant perdu.
Dans cette immensité poussiéreuse, chaque feu arrêté est une victoire. Et chaque sourire retrouvé, comme celui de Fatima, me rappelle pourquoi je suis là. Je suis fier de ce que nous accomplissons.
